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Verre de terre

Dans la terre de mon jardin, il y a du verre. 

Pas seulement. Il y a aussi des morceaux de métal, de caoutchouc, des vieux bidules fondus, sans doute jetés là il y a pas mal d'années. Il y a aussi un peu de plastique, et j'ai aussi trouvé des spécimens vraiment pas ragoûtants et plus récents, comme des couches - visiblement pour adultes vue la taille...

C'est le syndrome du jardin abandonné considéré comme "vide", comme "rien", et donc comme potentiel réceptacle à ordures. 

Je me souviens de mes cours d'histoire des jardins, où nous remarquions que les cadastres faisaient figurer les jardins historiques comme des parcelles vides. Juste du blanc avec un trait pour marquer la limite de propriété. 

Mais un jardin abandonné n'est pas un vide, n'est pas rien. 

D'abord, il "a été" : le mien était cultivé par Rose, qui repose aujourd'hui au cimetière voisin après avoir vécu presque cent ans, et qui a passé tous les jours de sa vie à jardiner. Rose a disparu il y a environ 25 ans, et ensuite la maison et son terrain sont passés entre plusieurs mains. Je sais que l'un d'eux plantait ses tomates non loin du cerisier et qu'il avait fait venir de la terre exprès pour ce coin précis, qu'un autre a abattu le très vieux poirier qui était au coin de la terrasse... mais dans ma tête, ça reste le jardin de Rose.

Et puis ensuite, un jardin abandonné peut renaître (la preuve). Que la nature reprenne ses droits n'est pas grave. Il suffit d'un peu d'huile de coude pour se refaire une petite place, et c'est souvent l'occasion de découvrir des trésors végétaux.

Mais remplir le sol de saletés, ça c'est dégueulasse...

Un sol met longtemps à se façonner, à devenir bon pour un jardin, c'est-à-dire apte à permettre toutes les envies du jardinier imaginatif. Bon drainage, sol équilibré, texture idéale... Les plus vieux jardins, qui n'ont jamais cessé d'être cultivés, ou à défaut, les anciens jardins longtemps cultivés puis abandonnés à la nature, ont un sol extraordinaire, unique, introuvable ailleurs. Un trésor de sol.

(Rien à voir avec les jardins nouvellement créés où on a apporté de la "terre végétale" venue souvent de chantiers de construction ou de cimetières.)

Jeter des ordures, des fonds de bidons toxiques, des huiles de vidange ou du verre brisé dans un jardin abandonné, c'est un désastre.

Dans mon jardin, il y a donc du verre. Même si je travaille généralement avec des gants, il y a des opérations pour lesquelles je mets directement les doigts dans la terre : les semis, les transplantations délicates, ou même certaines plantations où j'ai besoin de sentir le sol et la plante, ses racines, directement (un gant, ça brouille la perception). Je ramasse aussi toujours les bestioles à mains nues, pour un toucher plus délicat (c'est fragile, une bestiole, mais parfois il faut les dégager de là où on pioche...). C'est donc très très embêtant d'avoir du verre partout. Et je suis partie pour un moment, j'ai l'impression !

Maintenant, quand je vais au jardin, j'emporte toujours un seau pour y mettre le verre trouvé. J'en ai déjà sorti plusieurs kilos. Sur la photo en haut de cet article, il y a ce que j'ai sorti depuis l'automne dernier.

Certains font de jolies choses avec le verre coloré : des mosaïques,  des vitraux... Il y a peut-être moyen de faire quelque chose avec le mien ? Si une personne qui me lit a des idées, ça m'intéresse.

 

 

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