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Pénurie d'eau ou inadaptation des pratiques ?

Alors que je fauche les hautes herbes sèches dans mon jardin et autour afin de limiter les risques d'incendie, alors que tous les jardiniers stressent hydriquement car la corvée d'arrosage s'alourdit en même temps que les restrictions d'eau se multiplient, je regarde les plantes : il y a les desséchées (mortes ou simplement en dormance) et il y a les autres, celles qui, malgré zéro arrosage, sont vertes et vigoureuses, les feuilles dressées vers le ciel et le soleil accablant. Et, parmi elles, des surprises, qui me font m'interroger... et chercher des réponses dans le jardin. Petit tour d'horizon :

1. Premier cas de figure, facile, évident : les plantes sauvages parfaitement adaptées à la chaleur. L'été, le chaud, le sec, c'est pour elles, elles sont faites pour ça. Le fenouil sauvage, avec son racinaire profond et ses minuscules feuilles qui limitent l'évaporation, monte haut offrir ses fleurs aux butineurs bien contents qu'il reste de quoi manger dans cette fournaise. L'inule visqueuse, avec ses feuilles poisseuses, est elle aussi équipée d'une armure contre les fortes chaleurs. Autour, les plantes sauvages sont sèches : soit elles sont mortes car elles ont terminé leur cycle de vie, soit elles sont en dormance, comme ces touffes de graminées qui ne sont plus vertes que tout en bas, sous le foin qui les protège.

2. Le deuxième cas de figure m'interpelle, et même m'interloque : ces choux kale plantés tout petits l'année dernière, d'après mes semis faits à la maison. Comme j'ai eu du mal à les faire pousser ! Comme ils restaient petits et comme ils avaient soif ! J'avais beau arroser, ils peinaient, j'avais toujours l'impression qu'ils allaient se laisser mourir dès que j'aurais tourné le dos. J'ai tout de même pu m'en nourrir un peu, feuille à feuille, à partir de l'automne. En 2020, intéressée par autre chose, j'ai tout bonnement laissé les choux à leur sort. Pas d'arrosage du tout. Et les voilà, en plein mois d'août, verts, ayant fait leurs fleurs, puis leurs graines, et toujours là, vigoureux, l'air de faire leurs petites affaires dans leur coin... besoin de personne. Bon. Je vais les laisser poursuivre, puisque ça fait aussi mon affaire !

3. Le troisième cas de figure me fait m'interroger sur les mérites relatifs de la plantation par rapport au semis. Et je penche de plus en plus fermement pour le second, en ces temps de plus en plus secs. 

En effet, j'ai remarqué nombre - mais nombre ! - de semis spontanés d'arbres dans le jardin. Les premiers que j'ai repérés ont poussé près des arbres que j'avais plantés moi-même. Pour le dire autrement, le terrain était épierré et régulièrement arrosé, contrairement au terrain alentours. Une graine qui aurait atterri là aurait trouvé les conditions idéales pour germer. "Atterri là" ? Un gland et des noisettes ? Ces semis ont peut-être été faits par des geais, nombreux dans le coin, et qui, comme les graines, ont trouvé au pied de mes fruitiers un terrain facile à creuser pour y enterrer leur trésor... 

4. Mais il n'y a pas qu'au pied des fruitiers que germent des arbres. Le quatrième cas de figure est celui des graines germées dans des endroits non épierrés et non arrosés (jamais, jamais, à part par la pluie). Au milieu des hautes herbes, ou sous le grand figuier, j'ai trouvé plusieurs chênes "blancs", une multitude de frênes à fleurs et d'autres rejetons des arbres locaux.

Alors, oui, ces arbres ont germé là parce que les conditions leur conviennent, ce climat est le leur et si ça n'avait pas été le cas, ils n'auraient pas germé. 

Cependant, imaginons que j'aie transplanté ces arbres tout petits dans un pot bien large, où ils auraient été à l'aise. Auraient-ils supporté de ne pas être arrosés ? D'ailleurs, il n'y a pas à imaginer, car j'en ai transplanté, de ces arbres. Des petits chênes, à un stade si précoce que leur gland natal était encore tout frais et que leur jeune pivot n'a pas été du tout épointé (j'ai pris toute la motte pour la mettre dans le pot). Eh bien, au bout d'une semaine sans arrosage, ils sont flappis. Est-ce que leurs semblables laissés en terre et non arrosés s'en sortent mieux ? Oui, parfaitement. Ils ne grandissent pas, contrairement à ceux en pot, mais ils gardent leurs feuilles bien droites et ne semblent pas souffrir de la soif. J'imagine que leurs racines, elles ne restent pas inactives et que leur énergie est toute entière tournée vers l'allongement en profondeur, à la recherche de l'eau.... il s'adaptent, jour après jour.

Il n'y a pas que ça. Dans le sol, une vie foisonnante accueille le jeune arbre, tisse des liens de champignons et de bactéries, lui ouvre le milieu. Dans le pot, rien de tout ça. Le sol d'un pot est perturbé, hors sol. Ça doit jouer...

En conclusion :

- on le sait, il faut planter des espèces adaptées aux conditions du milieu si l'on veut faire des économies en eau et en travail du jardinier. C'est toujours bon de le redire.

- on le sait aussi, mais un peu moins, qu'il vaut mieux planter jeune, voire très jeune, pour favoriser la reprise des arbres en pleine terre. Et là encore, faire des économies d'arrosage et de travail. Il faut le dire et le redire, car rares, trop rares encore, sont les projets, publics ou privés, qui acceptent d'avoir des arbres tout petits à la livraison du chantier. On veut que ça soit "tout de suite beau".... souvent, on a plutôt du "tout de suite mort".

- ce que j'ai seulement esquissé chez des clients (d'ailleurs ils ne l'ont jamais fait), c'est de proposer des semis d'espèces ligneuses, en particulier celles qui se transplantent mal, comme les plantes du maquis, ou dans le cadre de grands linéaires, comme des haies libres en périmètre de propriété. Mais je crois vraiment qu'il faudrait se diriger vers le semis, pour toutes les situations qui le permettent (les haies libres, oui, les fruitiers greffés... par définition, non !), et très vite... car il faut le temps que ça pousse. 

Le semis serait abondant, comme il l'est dans la nature (on compte ses plants, on ne compterait pas les graines), et le travail du pépiniériste pourrait se transformer pour ajouter une compétence : le suivi de ces plantations qui ne sont pas "toutes prêtes"... peut-être... tout est à inventer, y compris les métiers autour des plantes.

Le réchauffement climatique est enclenché. A nous de suivre le mouvement. Et c'est un travail passionnant !

(Sinon : les fraisiers vont toujours bien et les fourmis sont là mais sans envahissement. Les fraises sont somptueuses !) 

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